Lire les Livres du Voyageur
«Le premier mot de l'artiste est rupestre. La vie est une scarification de la terre. D'abord nous écrivons sur la terre avec l'avancée de nos pas : écriture non pas en errances, mais en désirs, en virages et en déroulements.
Le premier mot vient avec le réveil. Nous nous éveillons avec la douleur et la joie. Nos redressements, nos paradoxes et nos regards escaladent les falaises. Le premier écrit est rupestre, le livre appartient à la suite de l'aventure: paysage hachuré de mirages humains, carte repliée sur ses moments de grâce et ouverte à chaque croisée des routes.
À chacun son voyage, puisque la vie est donnée au renouvellement et que le livre éclaire nos passages. »
André Surprenant
LDV 35
La série comprend 48 livres originaux, signés et numérotés. Des livres pliés dont les signes entremêlés forment des phrases musicales.
La grammaire physique de la phrase
Image pliée, image-carte, géographie, parcours de l'œil. Image hachurée, image coupée, posée sur plusieurs pages. Le pli entre deux pages crée la verticalité du texte pictural avec une légère césure dans le paysage continue et horizontal. L'enjambement de l'image sur la tranche de la page pour ne pas avoir une coupure mais, simplement un pli. Le livre accordéon permet le feuilletage des pages, l'étirement pour avoir une image complète du texte, le redressement pour transformer le livre en objet 3D que l'on peut déposer comme une sculpture. On peut déployer le livre comme une murale à la verticale ou à l'horizontale. C'est un geste de lecture et d'écriture, pictural et scriptural. Le texte peut sortir de la zone intime de la lecture pour s'afficher en public, puis y retourner. Le repliement libère le texte de la bulle de la lecture.
LDV 12
Chaque livre forme une phrase longue comme un bras, et non pas large comme une main, comme c'est le cas d'une page de livre. Mais là encore le bras et la main sont possibles, par dépliage et repliage. Le rugueux, le lisse, le ténu, le dense, le léger, le diaphane, autant de textures du texte.
Lire la peinture
J'aime à lire les images. Mes lectures ne précèdent pas les images et ne sont en aucun cas des traductions ou des interprétations.
Pas plus que les images n'en sont des illustrations.
Le lecteur et le spectateur ne seront jamais le même homme, penché en avant dans la même lumière, découvrant la même page. Le lecteur ne sera jamais spectateur. Le spectateur ne sera jamais un lecteur. Le livre est la seule icône aniconique. Pascal Quignard, VIIe Traité, Sur le rapport que le texte et l'image n'entretiennent pas.
Lecture du Livre 4
LDV 4
C'est l'aube dans un lieu sans ciel. C'est l'aube dans un lieu où le temps n'existe pas, ne se compte pas, mais se parcourt Il y a des ruines, des bouts de mur intemporels, des espaces crème à cheval sur des pages blanches qui, au moment de tourner la page, rosissent Des branches sans arbre, blondes qui deviennent paroi en suivant le même chemin Glyphe, mur, branches et blé ne suivent pas le creux de la page mais son arête Levant la tête, vu de près les tiges de blé Qui font mur et souples penchent sous le vent.
Lecture du Livre 20
LDV 20
Prise en dictée la somme précise des notes qu'il faut pour écrire cette musique.
Note après note, la musique passe par elles et n'est pas elles
Ce n'est ni la somme, ni le tracé De toutes ces notes, c'est nous avec elles dans la main active qui les traçons.
LDV 42
Images et textes originaux © Marie Surprenant, 2007