Mise en scène du Mur
Matériellement, c'est un rouleau de papier de riz de 66 pieds de long par 18 pouces de hauteur (22 m X 46 cm). Cette longue feuille a été divisée finalement en sections de 6 pieds qui ont été pliées en deux pour former 22 pages de 36 pouces de long par 18 pouces de hauteur.
Les mains ont servi de pinceau. L'encre de Chine est la seule matière présente.
L'œuvre a été exécuté en un jour : en déroulant et reroulant le rouleau de papier sur 18 heures. L'ordre des pages de l'objet complété correspond donc à l'ordre temporel de l'exécution : c'est important pour le sens.
L'objet regardé est un parcours pour les yeux le long d'une surface couchée, qui évoque un parcours des mains le long d'une paroi dressée. Pour concentrer l'attention, j'ai longé en aveugle, avec les mains, la paroi — c'est-à-dire le rouleau de papier. Un cas de certitude humaine fondée sur la matérialité par le toucher.
Le mur tangible est la frontière entre le dedans et le dehors, entre l'univers et l'univers. Une image en noir sur blanc réversible en blanc sur noir, jour et nuit, photo positive et négatif, ultraviolet qui fait apparaître les empreintes.
C'est aussi l'avers et le revers du désir d'arriver là où il n'y a plus d'obstacle et du plaisir de toucher le réel de la main. Une sorte de perdition dans le plaisir, une distraction de l'appel de liberté qui nous mène au-delà du mur.
La beauté, l'odieux, la concentration, la distraction. J'ai passé plusieurs jours à répéter mentalement le projet, à palper et parcourir physiquement la feuille de papier blanc. Un travail de persuasion mutuelle entre l'oeuvre et son support. Quand la rencontre a eu lieu, j'ai caressé vivement de mes main couvertes d'encre la longue peau de papier.
Il est difficile de garde le fil. Même l'attention à son propre plaisir peut être difficile à soutenir. Cela se passe au centre de la poitrine : c'est au cœur que le souffle se ressource et que l'objet se réaffirme.
Chaque page est un instantané volé au film du parcours, et tout à la fois le parcours intégral lui-même. Le sens de l'œuvre est là. Puisque le corps du rouleau est désormais divisé, ce qui s'offre au regard, ce sont deux par deux — passé et avenir — de fragiles morceaux d'une aventure aveugle. La composition de chaque présent est aussi aléatoire que la mesure que j'ai prédéterminée.
Les réflexions et des associations formées en cours de travail — mur de la honte, mur qui enferme, mur qui protège, mur du silence, paroi séparatrice du dedans et du dehors de la Terre — témoignent de la façon dont nous donnons un sens à la vie.
Images et textes originaux © Marie Surprenant, 2007